Je me suis dit, c'est parti, tu es maman pour la vie... et seule pour la nuit.
Une vague d'angoisse m'a envahie mais je l'ai un peu ignorée.
J'ai voulu me lever pour aller aux toilettes, mais en m'asseyant au bord du lit je me suis rendu compte que j'étais perfusée à mon lit... et la télécommande pour appeler de l'aide était de l'autre côté du lit, inaccessible à moins que je remonte sur celui-ci, les jambes encore tremblantes à cause de la péridurale.
C'est là que j'ai pleuré pour la première fois.
Je me suis demandée comment j'étais censée m'occuper de mon bébé en étant si faible et enchaînée à mon lit.
Je parviens finalement à appeler une aide-soignante qui me libère, puis je me retrouve à nouveau seule, avec la fameuse fiche où noter l'heure à laquelle on a allaité. Je compte les heures, demi-heures, quarts d'heure de répit avant que mon bébé ne doive réclamer son lait puis j'essaie de m'endormir.
Je ferme les yeux... et les rouvre aussitôt pour regarder mon bébé. Impossible de fermer l'œil, je dois la surveiller malgré mon état d'épuisement après une journée passée en salle de travail. J'ai peur de ne pas l'entendre si elle se réveille, de ne pas la voir si elle s'étouffe...
Les minutes puis les heures passent et ma fille se réveille pour téter. Je nous installe confortablement comme je l'ai appris quelques heures plus tôt et là, impossible de la mettre au sein, je n'arrive pas à reproduire le geste que l'on m'a montré... Au bout de plusieurs vaines tentatives, j'appelle les infirmières de nuit, qui viennent m'aider.
La déception. Je savais que cela ne serait pas forcément facile dès le début mais je ne m'attendais pas à avoir si mal, à détester cela. Mais je vais me forcer, pour ma fille.
La nuit avance, je ne m'endors qu'aux environs de 6h, épuisée, avant d'être réveillée une heure plus tard avec le petit-déjeuner.
Ce rythme infernal a duré six jours, six jours durant lesquels j'ai dû dormir à peu près 6h...
UNE SITUATION COURANTE POURTANT MECONNUE
Le baby blues, j'en avais entendu parler comme tout le monde mais je me suis rendu compte, à mes dépens, que je ne savais pas vraiment ce que c'était. Pour moi c'était similaire à la dépression post-partum, or cela n'a rien à voir, le baby blues étant bien plus commun, bénin et passager.
Pour cette raison, je pense qu'il est important pour moi d'en parler et de dire que oui, cela peut arriver à n'importe quelle jeune maman et que cela n'entache en rien notre désir d'être mère, ni l'amour que l'on porte pour son bébé !
UNE GROSSESSE TROP IDYLLIQUE ?
J'ai adoré être enceinte. Ma grossesse a été très agréable et sereine et elle ne m'a pas du tout préparée à la douleur ni au manque de sommeil. En effet, je n'ai jamais été réveillée ou empêchée de dormir à cause des coups de mon bébé in utero et j'ai eu peu de contractions douloureuses avant que l'on déclenche mon accouchement. D'ailleurs, après les contractions abominables que j'ai subies à la maternité, j'ai dit quelque chose du genre "en fait, je ne savais pas ce que c'était que d'avoir mal avant ça"😅
Toujours est-il qu'après huit mois et demi de pur bonheur, j'ai très mal vécu l'annonce du déclenchement car je n'étais pas prête à mettre un terme à ma grossesse de cette façon. Pour moi, l'accouchement devait être un moment magique et inattendu et non pas une froide intervention médicale programmée une semaine avant, sans que quiconque ne m'explique comment se passait un déclenchement. Je m'étais dit que mon bébé naitrait en octobre, comme son papa et moi. J'ai eu l'impression qu'on me volait mon accouchement, qu'on forçait mon corps et mon bébé, et pour toutes ces raisons j'ai gardé beaucoup de ressentiment en moi.
Je me revois marcher dans les couloirs de la maternité comme un zombie, le dos courbé, tiraillée de toutes parts, crispée par des contractions qui me traversaient régulièrement - signe que l'utérus reprend sa taille "normale" - et le sang qui coule en continu. Mais tout ça n'était rien comparé à la douleur causée par ma cicatrice de l'épisiotomie, qui m'a empêchée de m'asseoir pendant deux semaines.
LE VIDE ET LA SOLITUDE
Une vision m'a frappée dans le miroir après l'accouchement : mon ventre, vidé de ce qu'il avait porté pendant presque neuf mois, tout flasque, encore maculé de cette fameuse ligne brune. Je l'ai regardé et caressé avec compassion, mais il n'y avait plus à l'intérieur ce petit être avec qui j'avais entretenu une relation exclusive tout ce temps. Maintenant que mon bébé était né, tout le monde pouvait en profiter, et moi je me retrouvait seule, avec mon ventre aussi piteux qu'un ballon de baudruche dégonflé. Je n'étais pourtant pas délaissée par mon amoureux qui me choyait tous les jours et le personnel médical qui veillait sur moi, sur mon bon rétablissement physique. Mais je pensais avec appréhension à la nuit qui arrivait, durant laquelle je me retrouverai à nouveau seule avec mon bébé, impossible de profiter de ce moment à nous parce que je voulais dormir et n'y arrivais pas, torturée par des angoisses que je refusais de dire tout haut. Ma solitude était immense durant ces nuits d'insomnie, je rêvais d'avoir un ami à qui parler à n'importe quelle heure, mais il n'y avait que les soignantes que j'appelais toutes les nuits afin de leur demander de l'aide pour mettre au sein ma fille, toujours avec ce sentiment horrible de les déranger - non pas qu'elles me le faisaient ressentir, mais parce que je me disais qu'elles devaient avoir mieux à faire.
- sortir, seule ou avec mon bébé, mais sortir !
- consulter la psychologue de la maternité (j'ai eu ma première séance assez tard malheureusement d'autant plus que nous avons dû la repousser pour des raisons familiales).
- arrêter de noter les heures de tétées sur mon carnet : la LIBERTE ! A la maternité, on nous demande de faire ça pour s'assurer que le bébé soit bien alimenté, et c'est vrai que ça a l'avantage, les premiers jours, d'aider à se souvenir de quel sein on a donné, savoir à peu près à quelle heure le bébé aura à nouveau faim (ça peut varier beaucoup en réalité mais on peut observer un rythme en fonction du moment de la journée)... Mais j'ai aussi compris que cela me rajoutait un stress énorme incompatible avec l'allaitement à la demande. Je m'inquiétais que ma fille réclame le sein au bout d'une heure seulement ou qu'elle dorme pendant cinq heures d'affilée alors qu'on m'avait dit de lui donner toutes les trois heures... A partir du moment où j'ai arrêté de regarder l'heure, je me suis sentie libérée et j'ai pu commencer à faire confiance à ma fille. Si elle veut téter, c'est qu'elle en a besoin, point.
- que la question du baby blues soit abordée durant les cours de préparation à l'accouchement et à la maternité quand on sait que 70 à 80% des femmes en souffrent après la naissance du bébé.
- que mon conjoint puisse dormir avec moi à la maternité pour ne pas être seule les premières nuits (ce qui n'était pas possible à cause du Covid, bien-sûr).
- pouvoir commencer mon suivi psychologique plus tôt et plus intensivement, dès les premiers jours.
- pouvoir rencontrer une consultante en lactation à la maternité, pour être rassurée et pouvoir parler de ce qui m'inquiétait (il n'y en avait pas dans la maternité de Montargis malheureusement).
- pouvoir voir mes proches plus facilement après l'accouchement, sans être obligée de les héberger, en les retrouvant en ville le temps d'une petite promenade... Malheureusement, le fait d'habiter loin de tout le monde a rendu cela impossible et j'étais trop épuisée pour accueillir du monde à la maison (à l'exception de ma maman qui est venue une semaine après la naissance). Hélas, quand j'ai commencé à me sentir un peu mieux, le deuxième confinement a été annoncé...
- être mieux informée sur les douleurs qui pouvaient m'attendre après une épisiotomie. Le personnel soignant oublie parfois que ce qui est normal pour eux peut être déstabilisant pour une femme qui vit ça pour la première fois...
- que mon conjoint n'ait pas à reprendre le travail si vite. On s'estime chanceux car il a pu profiter d'un mois de pause en accolant son congé paternel aux vacances scolaires, mais autant pour lui que pour moi, devoir retourner travailler au bout d'un mois a été dur.
SIX MOIS PLUS TARD
Voilà maintenant six mois que ma fille est née. Oui, le temps passe vite et je la vois grandir si rapidement, mais j'ai aussi l'impression d'avoir vécu deux vies depuis. Après l'accouchement, je ne me suis pas reconnue : déprimée et épuisée en permanence, asociale, assaillie de doutes et de peurs... C'est au bout d'un mois environ que j'ai commencé à retrouver mon moi d'avant.
Déjà, je me sentais plus à l'aise avec l'allaitement alors j'ai pu profiter de ces plages de tétées pour me détendre en allant sur mon ordi (ou en lisant un livre, plus rarement) et ainsi renouer avec mon blog, retoucher mes photos, consulter autre chose que des forums maternels tandis que ma fille se nourrissait puis s'endormait paisiblement sur moi.
Puis il y a eu les vêtements. J'ai eu la surprise de perdre tous mes kilos de grossesse (13 kg) en trois mois et j'ai donc pu retrouver l'intégralité de ma garde-robe, qui m'avait bien manquée ! Reprendre plaisir à m'habiller comme j'aime au quotidien m'a fait beaucoup de bien.
Mon corps est redevenu comme avant, à l'exception de ma poitrine puisque j'allaite encore. Toutes mes vergetures ont disparu, ce qui m'a beaucoup étonnée car je n'ai rien fait d'autre qu'hydrater ma peau pendant la grossesse.
Je me sens encore psychologiquement fragile, mais c'est aussi lié au stress de ma demande de mutation et au fait que je vive loin de ma famille. Le baby blues est bien parti, mais j'y repense un peu comme à un trauma, et je sais qu'il a affecté ma confiance en moi. Mes séances de psy à la maternité sont terminées mais je vais reprendre un suivi au CMP de ma ville, en espérant que je recevrai un soutien bénéfique.
Enfin, pour terminer sur une note positive, je peux vous dire qu'aujourd'hui je profite pleinement de ma fille. Mon congé parental me permet de m'occuper d'elle à plein temps, de lui apporter tout ce dont elle a besoin et cela me rassure et me permet de me reconstruire dans cette nouvelle vie à trois, petit à petit.
Est-ce que je pense déjà à un petit frère ou une petite sœur ? Oui, haha, mais pas tout de suite !
J'espère que cet article vous a intéressé ! N'hésitez pas à me laisser un commentaire pour partager votre propre expérience du post-partum, ou tout simplement réagir à mon témoignage : )
"toutes les filles qui veulent un jour donner naissance à un enfant sont en train de changer d'avis" >> Rassure-toi, je pense que comme tu le dis bien, quand on a le désir d'être maman, je crois que la douleur que cela peut provoquer est moindre par rapport à l'envie. En tout cas pour ma part, je sais que je veux des enfants et que je n'y renoncerais pas.
RépondreSupprimer(j'imagine que si tous les mois vous prenez méga cher, vous êtes mieux préparée aux contractions le jour J) >> Je me suis toujours demandée justement à quel point les douleurs de règles peuvent être similaires aux contractions!
J'ai les larmes aux yeux de te lire, je n'imagine pas comme tu as dû te sentir seule en effet. Je sais bien que cela ne sert à rien de dire ça mais j'aurais aimé être cette amie à tes côtés pour te rassurer au moment où tu te sentais le plus mal. Bravo pour avoir tenu le coup et d'avoir été si courageuse!
Je déteste les siestes moi aussi depuis petite ^^
Comme toi j'ai fait du babysitting et j'ai subi le regard des gens dans la rue. Je portais l'enfant que je gardais en porte-bébé alors tout le monde croyait que j'étais sa mère. J'ai pris le bus avec elle, le métro parfois aussi : j'ai eu des remarques sympathiques et d'autres vraiment déplacées. On ne se rend pas compte à quel point les personnes peuvent être désagréables et non attentionnés. J'imagine en effet la pression et le mal être que tu peux ressentir d'autant plus que, comme il s'agit de ta fille, c'est encore plus important, signifiant pour toi.
Cet article était très intéressant! Merci Laurielle d'avoir pris le temps de partager ton expérience :)
Oh merci Sybille, ton commentaire me fait chaud au cœur !♥
SupprimerMerci aussi de m'avoir lue et de prendre le temps de partager ta propre expérience !
Il n'y a aucune culpabilité à avoir, lorsque je ne vais pas bien je n'ai pas peur de le dire et tu as su être réconfortante lorsque je t'ai parlé de mes coups de blues ! Ce qui m'a manqué, c'était un ami nocturne haha, et la présence physique de ma famille et amis, mais ça c'est à cause du covid...
Je ne peux te souhaiter qu'une chose : ne pas passer par cette phase de déprime lorsque tu deviendras maman ! :D Bien qu'avec du recul, on se dit que ça ne dure pas si longtemps heureusement :)
Gros bisous et toi et merci encore !♥