Il est un sujet que je souhaitais aborder depuis longtemps sur ce blog : le harcèlement scolaire.
On entend beaucoup ce mot, le harcèlement, en ce moment dans les médias, notamment le harcèlement sexuel ou de rue, et l'Education Nationale a fait du harcèlement à l'école son cheval de bataille.
Si je veux en parler avec vous, c'est tout d'abord parce que j'en ai été victime, pendant quatre ans, au collège. J'en garde des séquelles et des souvenirs : ma seule thérapie est d'en parler.
Mais c'est aussi en mon rôle de future enseignante, de future mère, de grande sœur et de blogueuse que je souhaite partager mon expérience, mon ressenti, et essayer de prévenir ce problème récurrent dans les écoles et qui peut avoir des fins tragiques.
Attention spoiler : j'en suis sortie vivante : )
Un enfant victime de harcèlement est souvent (pas toujours) prédisposé à l'être.
Dans mon cas, j'ai toujours été une enfant très sensible, assez crédule, et j'ai commencé à développer un manque de confiance en moi vers la fin de l'école primaire. Je ne sais pas quelle en est la cause, peut-être est-ce dû à mon changement d'école et de maison, des enseignants brutaux et tyranniques, mes faiblesses en mathématiques et une peur récurrente de me faire enlever.
A cette même période, je me suis liée d'amitié avec ma voisine, qui avait un an de plus que moi. C'était une fille pleine d'assurance, cynique et narquoise. Elle mentait beaucoup et volait (chez moi et dans les magasins). Son contexte familial et son cadre vie était très perturbé et perturbant, affligeant.
Elle m'intimidait : je n'osais pas lui dire non, je n'osais pas parler à ma mère de ce qui ne me plaisait pas chez elle par peur qu'elle se venge. Je ressentais quelque chose de très malsain chez elle.
Je pense qu'à partir de cette expérience, j'étais définitivement prête à devenir le bouc émissaire au collège (youhou !) : )
Gossip Girl, saison 1, épisode 14. |
Il faut savoir que sur un accord commun entre mes parents et moi-même, je suis partie vivre chez mon père, à la campagne, pour faire mon collège. Je n'avais pas peur du collège.
J'étais loin de savoir ce qui m'attendait.
Quand je pense à mes années collège, je pense à quatre ans de solitude et d'humiliation. Pourtant, je n'étais pas complètement seule et je n'avais pas l'impression d'être malheureuse.
J'avais des amis, et j'ai lié des amitiés au collège, sans quoi tout aurait été pire, et je remercie au passage toutes les personnes qui ont été présentes pour moi à cette période et qui m'ont aidé à rester moi-même !
Lorsqu'on parle de harcèlement il est important de bien en connaître la définition : une série d'actes violents, psychologiquement ou physiquement, répétés, à l'encontre d'une personne.
En mon cas, durant les périodes où je n'avais aucune amie dans ma classe, c'est-à-dire à 75% de mon temps au collège, le harcèlement était quotidien.
Il se traduisait d'abord par un rejet. Les autres, qui formaient des petites bandes d'amis, ne voulaient pas de moi auprès d'eux, quand bien même quelqu'un des leurs m'appréciait : c'est l'effet de groupe.
L'effet de groupe est particulièrement cruel : l'agresseur qui se trouve en son sein parle pour les autres qui n'osent pas réagir ou bien prennent part à l'agression en rigolant, par exemple, ainsi l'humiliation et la solitude de la victime sont accentuées.
Ce rejet permanent s'accompagnait de regards méprisants, de remarques désobligeantes et de moqueries sur mon poids (j'étais très maigre à l'époque) et sur mes vêtements (j'arborais fièrement des tenues très colorées et beaucoup de superpositions d'habits et de motifs). J'ai reçu quelques insultes à propos de mon père, ou on me disait que j'étais une "fille à papa". On m'accusait d'être anorexique. J'insiste sur ce verbe, accuser, car il semblait qu'à l'époque, souffrir d'un trouble alimentaire et psychologique aussi grave que l'anorexie suscitait le dégoût, l'incompréhension, mais surtout pas la compassion et l'envie d'aider. Toutefois, je n'étais pas le moins du monde anorexique.
Ainsi, je m'asseyais seule à la cantine (mais heureusement j'ai définitivement cessé de fréquenter les réfectoires scolaires en cinquième) et je restais seule durant les récréations.
The Clique, Michael Lembeck, 2008. |
L'épisode le plus marquant est la fois où une fille, qui faisait partie de mes bourreaux récurrents, m'a humiliée dans les vestiaires avant le cours de sport, devant les autres filles : elle se moquait de mon absence de poitrine et de mes sous-vêtements pas assez affriolants en me brandissant son string à la figure. Classe.
Le sport était par ailleurs la porte vers l'enfer : je ne comprenais jamais les règles, je détestais le contact physique, j'avais peur des autres et je souffrais de réelles difficultés de coordination de mes mouvements. De plus, je n'avais ni l'esprit d'équipe, ni l'esprit compétiteur. Les sports collectifs étaient les pires : au moment de former les équipes, j'étais toujours la dernière à être choisie, et dès que j'agissais mal, on me lançait des regards plein de haine.
Les situations que j'ai évoquées jusque là se passaient généralement entre filles : elles étaient les plus méchantes et leurs attaques étaient quotidiennes.
Mais les garçons n'étaient pas en reste, bien que moins nombreux à passer à l'acte. Leurs agressions étaient souvent plus physiques (croches pattes, coups, intimidation, bousculades) ou avaient attrait à la sexualité (questions intimes et embarrassantes, caresses déplacées...). Ces actes à caractère sexuel ne m'étaient d'ailleurs pas seulement réservés, d'autres collégiennes en on souffert !
Je n'ai jamais dit un mot de ce que je subissais aux professeurs, et je ne parlais que très peu à mon père de mes mésaventures. Toutefois quand je le faisais il me rassurait en me disant que ces filles qui me critiquaient étaient jalouses de ma minceur et que ces garçons qui m'embêtaient étaient frustrés. Il m'a aussi dit que les gens n'aiment pas ceux qui osent être différents, être eux-mêmes, car cela les renvoie à leur propre peur de ne pas oser affirmer leur personnalité. Ils préfèrent se cacher dans la masse.
J'ai bien vite compris qu'il avait raison : l'agresseur est souvent malheureux et oublie sa peine en faisant souffrir l'autre.
J'ai bien vite compris qu'il avait raison : l'agresseur est souvent malheureux et oublie sa peine en faisant souffrir l'autre.
Clueless, Amy Heckerling, 1995. |
Les conséquences de ce harcèlement sur ma vie de collégienne ont été les suivantes :
TOUS LES MATINS, et surtout les jours ou j'avait sport, j'avais une boule au ventre avant d'aller au collège. En traversant la cour, en longeant les couloirs, en entrant dans les vestiaires, j'avais peur et j'appréhendais le comportement de mes "camarades" et l'absence de réaction des professeurs.
TOUS LES SOIRS, je pleurais dans mon lit en repensant à ce que j'avais vécu le jour-même et en pensant à ma solitude, à ma mère qui me manquait, à mes parents séparés, à mon frère autiste, à la mort, à la guerre dans le monde... etc etc. Mon mal être quotidien, qui n'était "pas si grave", faisait ressortir tout ce que je portais en moi de difficile. Je cherchais des raisons pour verser de vraies larmes, je cultivais ma tristesse.
Si j'avais été plus faible, si je n'avais pas eu une famille aimante, si le harcèlement avait été plus loin, ma vie aurait pu prendre un autre tournant. J'ai eu de la chance d'être assez forte pour me relever et m'en sortir, d'autres nourrissent encore leur mal être ou en sont morts.
Aujourd'hui, voici le constat que j'établis au regard de ce passé :
- j'ai développé un dégoût presque phobique du sport.
- je n'ai jamais cessé de m'habiller comme je le voulais, en dépit des regards et des moqueries
- je perds toute confiance en moi face à des collégiennes
- le contact physique avec des gens dont je ne suis pas intime (en dehors de la bise ou quand il est involontaire) m'est très difficile car associé au sexe
- je me sens agressée lorsqu'on me fixe ou m'interpelle
- j'ai du mal à comprendre et à accepter le sentiment de jalousie
- je garde en moi une rancœur envers ceux qui m'ont fait souffrir et ne peux m'empêcher de les mépriser (et j'associe ces gens au manque d'ouverture d'esprit des jeunes, surtout à la campagne).
Pretty in Pink (Rose Bonbon), Howard Deutch, 1986. |
Dans mon cas, RIEN n'a été fait pour m'aider concrètement, car, d'une part, je ne parlais pas de ce qui m'arrivait. La peur des représailles, la honte d'être victime... de plus, le mot harcèlement ne s'appliquait pas à ma situation : on ne m'en n'avait jamais parlé.
D'autre part, les professeurs ne se sont jamais alarmés de me voir seule aux récréations "Laurielle a toujours le nez dans ses cahiers, c'est une élève sérieuse" (sans blague, vous pensez pas que les élèves ont autre chose à faire pendant la récré ?!) et n'ont jamais cherché à m'aider en cours de sport.
De plus, le harcèlement est un mal insidieux : il ne se voit pas, il a lieu dans le dos des adultes, dans les couloirs, dans le coin de la cour, à la cantine... et on le minimise en pensant que "ça va passer" ou que "ce n'est rien de grave", et pendant ce temps il se propage, laissant l'agresseur devenir de plus en plus puissant et ainsi dominer sa victime qui devient de plus en plus faible et se soumet, voire se complaît, dans son état de victime.
Il faut donc agir, avec prudence. Un élève trop solitaire, c'est inquiétant. Au moindre doute, il faut redoubler de vigilance, et en parler avec les élèves. En ignorant ces actes qui n'ont en apparence "rien de grave" mais qui sont répétés, on légitimise le harcèlement.
Le harceleur doit être entendu : il souffre lui aussi, peut-être même plus que la victime. Cette dernière doit être protégée, rassurée, valorisée, mais il ne faut pas la rendre dépendante de ce statut spécial que lui confère le harcèlement.
Dans tous les cas, la communication est la clé.
Le harceleur doit être entendu : il souffre lui aussi, peut-être même plus que la victime. Cette dernière doit être protégée, rassurée, valorisée, mais il ne faut pas la rendre dépendante de ce statut spécial que lui confère le harcèlement.
Dans tous les cas, la communication est la clé.
Quelques signes qui peuvent être révélateurs de harcèlement :
- élève isolé voire rejeté des autres
- élève en difficulté voire décrochage scolaire
- élève agressif, violent, sur la défensive...
- élève marqué d'une différence de la plus infime à la plus remarquable (handicap, style vestimentaire, poids...)
J'espère que vous aurez trouvé cet article intéressant, et que peut-être il vous aidera à raisonner quant à ce sujet. Si vous avez été victime de harcèlement scolaire, n'hésitez pas à partager votre expérience : c'est grâce à la multitude des témoignages que l'on peut comprendre les mécanismes du harcèlement et mieux le prévenir et l'éviter !
Article très intéressant qui j'espère, pourra aider certaines personnes.
RépondreSupprimerJe n'ai personnellement pas été harcelée mais je connais bien les moqueries et les regards méprisants.
Je trouve ça vraiment bien que tu aies pris le temps d'écrire cet article et de partager ton avis personnel sur la question.
PS : Je déteste le sport tout comme toi ahahah :p et je comprends tout à fait aussi, le malaise que l'on peut avoir avec le contact physique avec des personnes avec lesquelles on n'est pas intime.
Merci pour ton message Sybille !♥
SupprimerJe suis soulagée que tu comprennes pour le contact physique, c'est souvent mal perçu quand j'en parle haha !
Hello,
RépondreSupprimerNous sommes une petite maison d'édition ayant édité "Le journal (des aventures pas toujours rigolotes) de Marcel Patouche" pour les CM1-6ème et "Les aventures (pas toujours rigolotes) de Marcel Patouche" pour les CP-CE2, afin d'aborder avec les enfants le thème du harcèlement scolaire. A l'origine de ce projet, deux psychologues du service pédiatrie du CHU de Nîmes qui voyaient très régulièrement des enfants avouant subir ce harcèlement à l'école à cause de la différence qu'ils représentaient. Depuis, nous intervenons dans les classes de la région dans un but de prévention.
Nous avons remarqué que le fait que l'enfant parle de ce qu'il a subi, vu ou fait subir, entraînait régulièrement une baisse des actes de harcèlement. Comme, en moyenne, un enfant sur 10 est victime, il est important d'en parler à l'école et à la maison car il est très probable que l'information de la violence du harcèlement tombe dans l'oreille d'un enfant harcelé, harceleur ou témoin.
(Si jamais les livres vous intéressent, vous pouvez les trouver sur notre site : http://editionsbam.wifeo.com ) :)
Bonne journée & merci d'aborder le sujet du harcèlement scolaire afin que ce dernier soit davantage mis en lumière.
Ce sont les courageux témoignages d'anciens enfants harcelés qui permettent de comprendre la violence et la douleur du harcèlement !
Je vous remercie pour votre retour et le partage de ces livres. Il faut en effet sensibiliser les élèves au harcèlement dès le plus jeune âge, car il commence malheureusement trop tôt.
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